Nous quittons Invercargill le mercredi 22 septembre sous la pluie, en continuant notre chemin le long de la Southern Scenic Route, vers l'Ouest et la région des fjords. Les pâturages s'étendent à perte de vue, des milliers de moutons broutant sous la pluie, dans leurs prairies inondées. On s'arrête plusieurs fois en bord de mer, mais la plupart du temps nous nous contentons de regarder le paysage en restant dans la voiture, tant la pluie est incessante et tombe en quantité. C'est au lac Monowai que nous arrivons en fin d'après-midi. On prend notre courage à deux mains en revêtant nos capes et nos chaussures imperméables, et on s'efforce de sortir faire une marche d'une demi-heure vers un point de vue sur le lac et les collines environnantes. Bien entendu, ces dernières sont dissimulées derrière les nuages et la brume diminue grandement la visibilité. Le soir, nous dormons en bordure du lac, en partageant l'endroit avec un couple de jeunes allemands.


Le jeudi 23 septembre au petit matin, nous avons droit à une surprise : la pluie de la veille s'est transformée en neige pendant la nuit, et tout autour de nous en est recouvert. Il continue de neiger à gros flocons, on profite donc un court moment de cette première chute de neige du voyage, avant de décider de partir avant que l'épaisseur de neige ne nous en empêche. Nous ne sommes pas équipés pour la neige et n'avons pas de chaînes pour notre voiture. Cependant, les deux roues motrices de notre Toyota Estima nous impressionnent puisque nous pouvons même monter une colline où les allemands restent bloqués en l'attente du passage du chasse-neige. Nous sommes alors en pleine campagne, tout est couvert par une couche de neige fraiche qui excède par endroits les 20cm. Le ciel se dégageant peu à peu, on se régale du paysage. On passe sur notre route par le lac Manapouri, dont la vue est plutôt voilée. On continue alors jusqu'à Te Anau qui borde le lac du même nom. On y réserve une petite croisière en bateau dans les Doubtful Sounds pour la journée du samedi. Le temps étant correct, on marche le long du lac en regardant les montagnes enneigées qui l'entourent.


Malheureusement, la pluie revient dès le lendemain. Elle est en effet très régulière dans cette région du Sud-Ouest de la Nouvelle-Zélande. Ici, il pleut en moyenne 7000mm par an, tandis que la pluviométrie nantaise moyenne n'est que de 800mm annuels! On reste donc dans des lieux couverts, en commençant par le centre touristique géré par le Département de la conservation, en charge de la protection de la faune et de la flore dans le pays. Y est présent un petit musée, et un mini-cinéma où l'on diffuse à la demande un court métrage sur les randonnées dans la région des fjords. Dans l'après-midi, c'est dans le véritable cinéma de la ville que nous allons voir "Ata Whenua", en anglais Shadowland, une production de 32 minutes sans paroles. Il s'agit d'un film réalisé par un pilote d'hélicoptère ayant notamment participé dans la région au tournage de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Les prises de vues sont saisissantes et l'effet immersif. Les images montrent les fjords comme ils ne peuvent être vus que du ciel, en insistant sur les falaises tombant à pic sur plusieurs centaines de mètres, les étroites vallées et les cascades. Il s'agit d'un très beau film, une excellente mise en bouche avant la croisière, et nous sommes chanceux de pouvoir le voir, puisque sa diffusion quotidienne depuis 2004 prend fin au début du mois d'octobre.

Le samedi 25 septembre, notre journée de prévue dans les fjords débute bien mal. Nous avons rendez-vous à 8h30 à l'office du tourisme de Te Anau, mais notre batterie ne veut rien savoir, il est impossible de démarrer la voiture. Heureusement, nous arrivons malgré le faible trafic sur la route à arrêter une voiture qui nous aide rapidement, et l'on regagne donc l'office du tourisme avec cinq minutes de retard. Nous sommes rassurés d'y trouver un bus qui nous emmène à Manapouri, d'où partent les bateaux. On y apprend que nous ne sommes pas montés dans le bon transport (personne n'ayant contrôlé nos tickets plus tôt), et nous nous rendons à l'agence d'en face. C'est là que les choses se corsent. La dame à l'accueil, plutôt rude, nous annonce que notre bateau est parti, que notre réservation est ainsi perdue. Elle ne veut rien savoir, n'accepte ni remboursement, ni report au lendemain, ni arrangement avec l'autre agence. La seule solution qu'elle nous propose est de payer intégralement notre excursion une seconde fois pour partir le lendemain. Passablement énervés par un si mauvais service client et aucune compréhension du problème, nous quittons l'agence Fiordland Explorer Charters en très mauvais termes, mais ne pouvons que nous résoudre à oublier cette activité à 200$, la plus chère à ce jour de notre voyage en Nouvelle-Zélande. Nous retournons chez RealJourneys, qui nous ont emmenés en bus, et ils acceptent de nous ramener gratuitement à Te Anau sans attendre, geste aimable puisque nous n'avons même pas réservé avec eux. Le manager, voyant clairement notre déception d'avoir perdu toute chance de visiter les fjords, nous propose même l'inattendu : il nous offre un ticket chacun pour une croisière sur leur bateau le lendemain, sans contrepartie financière, alors que leur offre est 50% plus chère. Nous acceptons bien sûr en le remerciant chaleureusement, son geste étant plein de bonté. On nous ramène alors à Te Anau où nous visitons le Wildlife Centre, où sont visibles différents oiseaux sauvages. L'après-midi étant pluvieuse, nous nous réfugions profiter de la chaleur d'un feu de bois dans le Live Tree Cafe. En quittant le bar, on réalise que la chance est avec nous en passant à deux doigts de manquer de nouveau le départ du lendemain : Pierre-Antoine feuillette par curiosité les journaux proposés dans le bar, et y découvre que le passage à l'heure d'été a lieu dans la nuit, qu'il nous faut avancer nos montres d'une heure. Ouf!


Le dimanche, le bateau de RealJourneys part avec un léger retard dû aux incertitudes sur la sécurité de la route entre le lac Manapouri et le fjord Doubtful Sound. Celle-ci, appelée Wilmot Pass, a connu quelques petites avalanches dans la nuit, ce qui constitue une première en sept ans. Nous finissons tant bien que mal par partir, en débutant par une courte croisière de 45 minutes sur le lac Manapouri, à tenter de voir ses 34 îles dissimulées dans une enveloppe de brume. A l'arrivée à l'extrémité Ouest du lac, on peut observer la partie émergée d'une centrale électrique sous-terraine, que nous visiterons l'après-midi. On prend un bus entre la station électrique et le lieu d'embarquement pour Doubtful Sound, passant par Wilmot Pass. La route est une impasse des deux côtés, et a été construite à l'origine dans l'unique but de transporter le matériel et les outils nécessaires à la construction et à la maintenance de la centrale. Nous prenons finalement place dans un nouveau bateau qui nous emmène en croisière pour trois heures. De l'avis général, il pleut très régulièrement dans les fjords, et nous n'échappons pas à la règle. On visite alors le fjord dans une ambiance "mystique" (terme positif utilisé pour décrire un paysage observé par une météo défavorable). Pour nous, c'est le coup de la baie d'Halong, que l'on a également connu au volcan Bromo.


Des cascades temporaires apparaissent par centaines le long des falaises. De débit fort ou faible, toutes ont en commun de tomber à la verticale sur plusieurs centaines de mètres. Les montagnes sont couvertes d'une dense végétation, leur succession dans le brouillard créant parfois une sensation de solitude face à cette immensité. Le silence des lieux, isolés de toute vie humaine à quelques dizaines de kilomètres à la ronde, n'est rompu que par le chant original des oiseaux de la région. Nous estimons que le spectacle valait le mal et le temps que nous nous sommes donnés pour y accéder.
Au cours de la croisière, nous faisons connaissance avec deux jeunes allemands qui viennent passer un an en Nouvelle-Zélande dans le cadre d'un échange scolaire financé par le Rotary Club. De retour dans le car entre le fjord et le lac Manapouri, nous "visitons" la station d'électricité sous-terraine. La "visite" consiste tout d'abord en une descente de 2km d'un tunnel en serpentin, creusé dans la montagne. La pente assez élevée, les bords bruts du tunnel, et les lumières éparses nous font vraiment sentir que nous nous dirigeons en profondeur. Heureusement, personne n'est claustrophobe dans notre car... On descend finalement observer la salle des générateurs, vue d'une plateforme. Et c'est tout! Pierre-Antoine peut brièvement étudier un schéma simplifié de la centrale, mais ce que nous en retiendrons sera surtout le trajet dans le tunnel. De retour à Manapouri, on roule une centaine de kilomètres en direction de Queenstown et finissons la soirée au bord d'un feu.